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Pourquoi la psychomotricité fait-elle aujourd’hui polémique en Belgique ?

La psychomotricité a beaucoup fait parler d’elle dans notre pays depuis l’été dernier. « Le métier de psychomotricien est illégal » entend-on par ici. Les psychomotriciens exercent illégalement la médecine, et risquent des amendes voire des peines de prison. « Non, les psychomotriciens sont de vrais professionnels du paramédical » entend-on ailleurs. Ils bénéficient d’une formation solide dans l’enseignement supérieur afin de prodiguer des soins de santé. Tandis que certaines mutualités commencent à proposer des remboursements pour les séances de psychomotricité, certains psychomotriciens se voient licenciés des institutions qui les emploient …

Qu’en est-il ? Pourquoi ce métier est-il diabolisé dans notre pays ? La polémique est complexe, elle est à la fois historique et communautaire. Je vous résume la situation dans cet article, le plus synthétiquement possible, c’est promis !

Mais qui sont ces psychomotriciens ? Bref historique de la formation en psychomotricité

Jusqu’en 2012, la psychomotricité était une formation continue accessible aux personnes déjà détentrices d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Il existait deux filières possibles.

  • La filière pédagogique proposait une spécialisation en psychomotricité : 1 an d’étude à temps plein.
  • La filière paramédicale organisait quant à elle un post-graduat en psychomotricité : 3 ans d’études en horaires aménagés, permettant de travailler en même temps.

Les kinésithérapeutes, ergothérapeutes et logopèdes souhaitant se spécialiser en psychomotricité pouvaient s’inscrire dans la filière paramédicale. La filière pédagogique était réservée aux professionnels souhaitant notamment travailler dans les écoles maternelles et fondamentales.

Le titre de psychomotricien n’était pas protégé. Ils ne bénéficiaient d’aucun statut particulier. Les psychomotriciens formés étaient en général engagés sur base de leur diplôme initial. Bien entendu, certains professionnels pratiquaient donc la psychomotricité sans s’y être spécifiquement formés.

Désormais, ces formations continues n’existent plus. Depuis 2012, c’est désormais un Bachelier en Psychomotricité, 3 ans d’études dans l’enseignement supérieur de plein exercice, qui constitue la formation. Celui-ci est accessible dès la sortie de rhéto et octroie un diplôme paramédical de psychomotricien.

C’est une formation solide, à temps plein pendant trois ans. Elle offre aux étudiants les fondements théoriques communs aux autres paramédicaux et spécifiques à la psychomotricité. Les étudiants réalisent de nombreux stages en psychomotricité, travaillant dans différents lieux et rencontrant différents publics.

La polémique d’aujourd’hui

Bien avant l’ouverture du Bachelier, les psychomotriciens étaient en demande de valorisation de leur métier par la reconnaissance de celui-ci comme profession paramédicale des soins de santé. L’union professionnelle des psychomotriciens en Belgique francophone (UPBPF) a toujours oeuvré dans ce sens afin de protéger le titre.

Reconnaître le titre de psychomotricien permettrait aux professionnels qui se sont spécifiquement formés à la psychomotricité d’être engagés en tant que tels dans les institutions de soins de santé. La voie serait également ouverte vers des possibilités de remboursement pour les patients.

Mais ce n’est pas aussi simple !

Pourquoi la psychomotricité fait-elle aujourd'hui polémique en Belgique ?

En Belgique, l’enseignement supérieur dépend des gouvernements des Communautés (Française, Flamande, Germanophone). Tandis que la santé est une compétence du gouvernement fédéral. C’est la raison pour laquelle on se retrouve dans une dynamique à deux vitesses. La communauté française a donné son accord pour l’organisation d’un Bachelier en Psychomotricité, alors qu’au Fédéral, on se pose toujours la question de reconnaître le métier de psychomotricien comme professionnel de la santé.

Actuellement, notre ministre fédérale de la santé, Maggie De Block, refuse de reconnaître le statut de psychomotricien en tant que professionnel paramédical. Elle se base sur l’avis du CNPP, le conseil national des professions paramédicales. Un avis bien sûr négatif. Selon la ministre De Block et le CNPP, les autres paramédicaux (kinés, ergos et logos) prestent déjà les actes de psychomotricité. Il n’y a pas besoin de créer un métier supplémentaire.

Or, ces autres paramédicaux ne bénéficient que d’une trentaine d’heures de cours de psychomotricité, une simple introduction à la pratique psychomotrice, sans aucun stage dans ce domaine. C’est insuffisant pour pouvoir se targuer de proposer des soins psychomoteurs de qualité, sans formation complémentaire.

Encore une fois, la problématique est communautaire : il n’existe pas de formation équivalente au Bachelier en Psychomotricité en Flandre. Difficile donc de statuer sur un statut professionnel fédéral pour le psychomotricien.

Le procès du mois de février 2017

Procès pour la reconnaissance du métier de psychomotricien en Belgique

Soutenus par la FEF, Fédération des Etudiants Francophones, et l’UPBPF, 6 étudiants et diplômés du Bachelier en Psychomotricité ont assigné l’Etat Belge et la Communauté Française en référé. Cette action a été plaidée le 21 février 2017 au tribunal de première instance de Liège.

Ce procès avait plusieurs objectifs :

  • Remettre en question la légalité de la loi qui réglemente les professions de santé en posant une question préjudicielle à la Cour Constitutionnelle
  • Encourager le maintien du Bachelier en Psychomotricité dans le paysage de l’enseignement supérieur
  • Autoriser les psychomotriciens à prester des soins sans risquer de poursuites

Le juge reconnaît l’urgence du problème et les préjudices subis par les étudiants et diplômés du Bachelier en Psychomotricité ainsi que par les psychomotriciens exerçant actuellement dans le paramédical. Mais il ne valide pas les questions préjudicielles. Selon lui, la loi qui réglemente les professions paramédicales est tout à fait conforme.

La FEF, l’UPBPF et les étudiants n’en resteront pas là. Ils feront appel de cette décision en arguant le fait que les actes thérapeutiques définis par la loi sont insuffisamment précis. Quels sont les actes précis qui relèvent de l’exercice d’un métier paramédical reconnu ? Et quels sont donc les actes dont peuvent se prévaloir les psychomotriciens ? Il est urgent d’éclaircir rapidement la situation.

Concrètement, qu’est-ce qui change aujourd’hui pour les psychomotriciens et leurs patients ?

Finalement, rien de nouveau sous le soleil … Le titre de psychomotricien n’est pas protégé, le métier n’est pas reconnu comme faisant partie des soins de santé. Cela a toujours été comme ça ! Ce qui change, c’est d’une part cette menace de peines pénales pour les psychomotriciens formés en psychomotricité mais qui n’ont pas un diplôme reconnu par l’arrêté royal 78 relatifs à l’exercice des professions de soins de santé. Donc si le psychomotricien n’est pas kinésithérapeute, ergothérapeute, logopède ou orthoptiste, cela relève de l’exercice illégal de l’art de guérir.

Ce qui change d’autre part, c’est cette médiatisation ! Elle est intéressante pour faire parler de nous et pour faire bouger les choses. Mais en faisant des raccourcis tels que « la psychomotricité est illégale en Belgique », les médias ne nous rendent absolument pas service … Ils surajoutent du flou sur une problématique déjà complexe, installant le doute chez nos patients et leurs familles.

Pourtant, les psychomotriciens sont des professionnels ayant leur rôle à jouer dans l’offre de soins paramédicaux. Les demandes de soins psychomoteurs existent. Ce métier est à valoriser, comme c’est le cas dans de nombreux pays en Europe et dans le reste du monde. En France, les psychomotriciens sont dans la rue pour obtenir la création d’un diplôme de Master. Tandis qu’au Maroc, ce diplôme vient tout récemment de voir le jour.

Quel est l’avenir du métier de psychomotricien dans notre pays ?

Dans un communiqué, l’Union Professionnelle Belge des Psychomotriciens Francophones nous rappelle ceci :

  • Le diplôme de bachelier en psychomotricité est tout à fait légal et officiel.
  • L’exercice de la profession de psychomotricien n’est pas illégale.
  • Tout le champ de la prévention, l’éducation, l’accompagnement et le soutien à la parentalité, du bien-être n’est pas du tout menacé.

Il existe donc des débouchés pour les psychomotriciens porteurs du diplôme de Bachelier ! Ils peuvent travailler dans le champ de la prévention – éducation et donc intervenir auprès d’enfants, de personnes âgées et de personnes porteuses d’un handicap. Les écoles fondamentales ordinaires, les écoles spécialisées, les maisons de repos et de soins, les services d’aide précoce ou d’aide à l’intégration, les centres de jours et certaines ASBL sont des exemples parmi d’autres de lieux ouverts à la profession.

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5 Comments

  • dobble P

    Ne pas reconnaître que le psychomotricien est un professionnel de santé me révolte ! Ce métier fait bien ses preuves en France, et l’on trouve chaque jour de plus en plus d’endroits où sont sollicités des psychomotriciens pour aider les personnes malades et les soigner, et je dis bien S-O-I-G-N-E-R ! Certes on ne prescrit pas de médocs, mais on aide les patients à aller mieux, par le biais de beaucoup de médiations ! Je suis désolé, mais lorsqu’on aide quelqu’un à aller mieux, on ne fait que le soigner. En tant que psychomotricien, on propose une prise en charge globale, c’est-à-dire corporelle et psychique, ce qui n’intéressent pas forcément les kinés ou les ergos. Eux s’intéressent plus sur le plan moteur alors que le psychomotricien, comme son nom l’indique, inclut également tout ce qui appartient au mental, et c’est très bénéfique pour le patient. Il va par exemple voir comment une personne âgée appréhende la marche, et si possible lui instaurer un cadre sécurisant, contenant, pour lui permettre de s’appaiser. Il peut aussi travailler sur le rythme de la marche et sur la longueur du pas au cours de la marche… enfin bref, ce que ne fait pas forcément les autres professionnels paramédicaux !

    Ce système de santé belge me fait vraiment honte !

    Un jeune français, étudiant en Psychomotricité, qui revendique du fond du coeur ce métier.

    • Carole

      Merci de partager notre indignation et nos revendications 🙂 J’espère que les plaidoiries qui commencent cette semaine pourront nous amener la stabilité et la reconnaissance que nous méritons, en tant que psychomotriciens en Belgique !!!

  • Vergnon

    Honteux et décourageant
    Alors elle part quand cette Ministre ?mon fils a fait ses études dans la haute école léonard de Vinci à Bruxelles et a eu son diplôme. Maintenant il habite en France mais ne peut pas exercer son métier, il fait donc un autre travail en attendant …mais comme il n’y a aucun changement il va devoir reprendre des études pour faire un autre métier

  • garenaux

    bonjour, je suis le papa d’une diplômée en psychomot a Tournai
    impossible de travailler dan son métier, alors en attendant elles est pionne dans un college
    nous poursuivons nous aussi en France une action en justice
    le pire c’est qu’il y a des dizaines de postes disponible prés de chez nous, alors que l’on a 4 millions de chômeurs
    je souhaite de tout cœur que cette situation soit résolue, mais tant que cette « MAGGI » sera là il ne se passera rien
    bon courage a tous

  • TREMBLAIS

    ma fille est diplômée et à fait une année de plus pour se spécialiser. Nous connaissons des établissements qui veule lui proposer un poste mais…voilà, sans cette équivalence nos enfants ne peuvent rien faire, Que fait notre gouvernement !!! à la place de mettre la limitation à 80km/h, occupez vous de chose utile.

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